Le 10 février 2025, le gouvernement a eu recours au 49.3 pour faire adopter la troisième partie du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025.

Celui-ci comporte une mesure importante relative à la prime de partage de la valeur (PPV), qui doit désormais être intégrée à l'assiette de calcul de la réduction générale des cotisations patronales. Une modification qui pourrait faire changer la stratégie des entreprises en matière de rémunération variable.

Le régime actuel de la PPV

La prime de partage de la valeur a été instaurée le 1er juillet 2022 pour encourager les employeurs à verser une prime à leurs salariés, grâce à un cadre fiscal incitatif. Ce dispositif faisait suite à l'ex-prime Macron - également appelée prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) - qui n’était plus versée depuis 2022.

La PPV : un régime social et fiscal attractif

Jusqu'à présent, la PPV bénéficiait d'un régime fiscal et social particulièrement attractif : elle était exonérée de cotisations sociales, y compris de la CSG et de la CRDS, sous certaines conditions. Elle pouvait également être exonérée d'impôt sur le revenu si elle était affectée à un Plan d'Épargne Entreprise (PEE) ou à un Plan d'Épargne Retraite Collectif (PERECO).

Dans les entreprises de moins de 250 salariés, aucune contribution patronale n’était due sur la PPV, tandis qu’une contribution de 20 % s’appliquait pour les entreprises de 250 salariés et plus.

Ce dispositif avait déjà permis la distribution de 5,3 milliards d’euros de PPV en 2023, un succès qui témoigne de son importance dans les politiques de rémunération des entreprises.

Ce qui change avec le PLFSS 2025

Le PLFSS pour 2025 prévoit désormais d’intégrer la PPV dans l’assiette de calcul de la réduction générale des cotisations patronales.

Jusqu’à présent, le versement d’une PPV n’avait pas d’incidence sur la réduction des cotisations patronales appliquées aux salaires des employés concernés. Avec le PLFSS 2025, chaque euro versé en PPV viendra réduire le montant de l’exonération de cotisations dont bénéficie l’employeur sur les bas salaires, principalement pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 fois le SMIC

 

Pourquoi les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 fois le SMIC sont-elles les plus touchées ?

La réforme impacte en particulier ces niveaux de salaire car c’est sur cette tranche que la réduction générale des cotisations patronales (ou "réduction Fillon") est la plus importante. Plus un salaire se rapproche du SMIC, plus l’exonération est élevée, et elle diminue progressivement jusqu’à disparaître à 1,6 SMIC. En intégrant la PPV dans l’assiette de calcul, la base sur laquelle est appliquée l’exonération augmente, réduisant ainsi le montant total des allègements dont bénéficie l’employeur. Pour les salaires plus élevés, la réduction étant déjà moindre voire inexistante, l’effet de la réforme est beaucoup plus limité.

Un exemple pour mieux comprendre

Prenons l’exemple d’une PME qui verse une PPV de 800 euros à un salarié rémunéré à 1,2 SMIC, soit environ 2 160 euros brut.

  • Avant la réforme, ce versement ne générait aucun coût supplémentaire pour l’employeur.
  • Avec la réforme, la PPV diminuera le montant de la réduction des cotisations patronales dont l’employeur bénéficie sur le salaire du salarié concerné. Cette réduction pourrait baisser d’environ 15 à 20 % de la prime versée, soit un coût supplémentaire estimé entre 120 et 160 euros pour l’entreprise.

Le coût total de la prime passerait ici de 800 euros à environ 920 ou 960 euros.

Cette augmentation du coût de la PPV pourrait donc inciter les employeurs à revoir leur stratégie de rémunération : pour une même enveloppe budgétaire, ils devront soit réduire le montant des primes versées aux salariés, soit absorber ce surcoût dans leurs charges.

Une mesure qui pourrait modifier la stratégie des entreprises

Bien que le gouvernement n’ait pas supprimé la PPV, l’intégration de celle-ci dans l’assiette de calcul des exonérations de cotisations patronales modifie significativement son attractivité pour les employeurs.

Face à cette évolution, plusieurs scénarios sont envisageables. Certaines entreprises pourraient choisir de maintenir le versement de la PPV, mais en réduisant les montants attribués aux salariés afin de compenser l’augmentation du coût pour l’employeur. D’autres pourraient décider de repenser leur politique de rémunération variable en privilégiant des dispositifs différents, comme l’intéressement, qui conserve un régime fiscal et social plus attractif. 

 

A noter :

Contrairement à la PPV, l’intéressement permet une exonération totale de cotisations sociales (hors CSG/CRDS) et un régime fiscal intéressant lorsque les sommes sont placées sur un PEE (plan d’épargne d’entreprise). Si l’on reprend notre exemple, un employeur souhaitant verser 800 euros via un dispositif d’intéressement pourrait conserver un coût net inférieur à celui d’une PPV soumise à la nouvelle législation.